L’abandon des poursuites dans l’affaire de l’intoxication à l’amiante à Jussieu confirmé
La justice a confirmé mercredi 5 juillet l’abandon des poursuites pour blessures et homicides involontaires dans l’affaire de l’intoxication par l’amiante sur le campus universitaire parisien de Jussieu dans les années 1960 à 1990, emblématique du combat des victimes pour faire reconnaître des responsabilités pénales.
Une enquête longue et complexe
L’enquête, débutée en 1996, visait l’université et plusieurs de ses anciens responsables. Elle s’était conclue par un non-lieu en février 2022. Saisie par le comité anti-amiante Jussieu et l’Association nationale des victimes de l’amiante (AVA), la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a suivi sur l’essentiel du dossier les conclusions des magistrats instructeurs.
Un non-lieu confirmé pour blessures et homicides involontaires
Selon une source proche du dossier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu pour blessures et homicides involontaires ainsi que pour mise en danger de la vie d’autrui au titre du risque de l’amiante. Cependant, le dossier a été renvoyé aux juges d’instruction pour deux points secondaires, dont celui de la mise en danger de la vie d’autrui au titre du risque incendie dans les locaux.
Des charges insuffisantes selon les magistrats instructeurs
Dans leur ordonnance de février 2022, les magistrats instructeurs du pôle santé publique de Paris ont estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes pour renvoyer quiconque devant un tribunal pour blessures, homicides involontaires ou mise en danger de la vie d’autrui. Ils ont conclu qu’il n’était pas possible de relier le dommage à d’éventuelles fautes imputables à des personnes ayant une responsabilité dans l’exposition à l’amiante.
Une instruction jugée « incomplète »
Comme dans d’autres dossiers, les magistrats ont également basé leur décision sur une expertise judiciaire de 2017, qui a jugé impossible de déduire avec précision le moment de l’exposition des salariés à l’amiante et celui de leur contamination, rendant difficile l’établissement d’une responsabilité pénale. Cette décision a été critiquée par Michel Parigot, responsable de l’AVA, qui a déploré le refus de la justice d’instruire ce type de responsabilités.
Une affaire emblématique du scandale de l’amiante
L’affaire de Jussieu est considérée comme l’une des plus emblématiques du scandale sanitaire de l’amiante. C’est de cette faculté parisienne qu’était partie, dans les années 1970, la première grande mobilisation dénonçant les intoxications par l’amiante utilisée pour la construction des bâtiments. Malgré plus de deux décennies d’investigations, la vingtaine de dossiers de l’amiante instruits à Paris se termine depuis plusieurs années sans renvoi devant un tribunal.
Une demande irrecevable
Face à ces revers devant la justice pénale, des victimes de l’amiante ont déposé une citation directe au tribunal judiciaire de Paris, dans le but d’obtenir un procès pour 14 personnes, notamment pour homicides et blessures involontaires et complicité de tromperie aggravée. Cependant, leur demande a été déclarée irrecevable par le tribunal de Paris en mai. Les plaignants souhaitaient que ces 14 anciens représentants de ministères, dirigeants d’entreprises ou médecins, répondent de leurs liens avec le Comité permanent amiante (CPA), décrit comme un lobbying pro-amiante dans un rapport sénatorial de 2005.
L’utilisation de l’amiante a été interdite en France depuis 1997, mais les autorités sanitaires estiment toujours que cette substance peut causer des cancers de la plèvre et broncho-pulmonaires, entraînant potentiellement 3000 décès par an d’ici 2025.