Karabakh : Un spécialiste met en garde contre un « nettoyage ethnique »
Dans un entretien accordé à franceinfo, Tigrane Yégavian, professeur de relations internationales à l’université Schiller, a partagé son analyse sur le conflit au Haut-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Selon lui, la situation actuelle est proche d’un « nettoyage ethnique » et il déplore le manque d’attention de la communauté internationale.
Les origines du conflit
Le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie trouve ses racines dans l’histoire et remonte à près d’un siècle. Le Haut-Karabakh, une province historique de l’ancien royaume d’Arménie, a été cédée à l’Azerbaïdjan soviétique en 1921. Cependant, sa population majoritairement arménienne n’a jamais reconnu cette décision. En 1988, les Arméniens du Karabakh ont réclamé leur rattachement à l’Arménie soviétique, ce qui a déclenché une guerre remportée par les Arméniens. Malgré cela, le statut du Karabakh reste indéterminé car il oppose deux principes du droit international : l’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination.
La situation actuelle
En 2020, après une guerre de 44 jours, l’Azerbaïdjan a récupéré 75% des territoires contrôlés par les Arméniens. Cependant, leur objectif d’anéantir le Karabakh arménien n’a pas été atteint en raison de l’intervention russe. Depuis lors, les Azerbaïdjanais cherchent à éliminer définitivement la présence arménienne au Karabakh en imposant un blocus pour affamer la population. Ils profitent du désintérêt du reste du monde et cherchent également à créer un corridor extraterritorial reliant l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan, un territoire situé au sud de l’Arménie. Ces actions mettent en péril l’Arménie, qui se retrouverait encerclée par ses ennemis sans frontière avec l’Iran.
L’influence de la Russie et de la Turquie
La Russie et la Turquie sont les acteurs les plus puissants dans ce conflit. Depuis 2020, ils ont écarté les Occidentaux qui étaient impliqués dans les négociations en coprésidant le groupe de Minsk. Les Arméniens sont frustrés par le manque de soutien de la Russie et l’absence d’une force d’interposition des Occidentaux. La situation rappelle celle de la Syrie, où la Turquie et la Russie se partagent également la région. Cela rend la position des Arméniens encore plus précaire.
La menace pour l’Arménie va au-delà du Karabakh
Le professeur met en garde contre la menace qui pèse sur l’Arménie dans son ensemble, pas seulement sur le Karabakh. L’Azerbaïdjan ne se contentera pas d’un nettoyage ethnique au Karabakh, mais cherche également à étendre son influence dans le sud de l’Arménie. Cela pose un véritable dilemme stratégique pour le pays.
Dans l’ensemble, le spécialiste souligne l’urgence de la situation et la responsabilité de la communauté internationale pour protéger les populations civiles et prévenir un « nettoyage ethnique » imminent.