Fashion Week : Balmain peut rebondir malgré le vol de 50 pièces de sa collection printemps-été 2024, estiment des experts
Une cinquantaine de pièces de la collection que le styliste Olivier Rousteing, D.A. de Balmain, devait présenter lors de la Paris Fashion Week printemps-été 2024, le 27 septembre, ont été volées ce week-end. Une enquête a été ouverte et confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis.
Des précédents inédits dans le monde de la mode
En dépit du caractère inédit et « exceptionnel » du vol de 50 pièces de la collection Balmain 10 jours avant la semaine parisienne de la mode, il est réaliste de maintenir le défilé printemps-été 2024 et de refaire la collection, estiment les experts interrogés par l’AFP.
Y a-t-il déjà eu des précédents ? Le vol en bande organisée réalisé pendant le transport de l’aéroport de Roissy au siège de Balmain, à Paris, dévoilé par le styliste de la maison Olivier Rousteing, est « exceptionnel », estime Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po, spécialiste du mode et du luxe. « Il peut y avoir des colis qui se perdent lorsqu’ils sont envoyés par un sous-traitant » mais le nombre de pièces volées est « impressionnant ». En 2011, le créateur américain Marc Jacobs s’était fait voler l’intégralité de sa collection dans un train entre Paris et Londres mais après le défilé.
Un défi à relever pour Balmain
Est-il réaliste de refaire la collection ? « Je suppose que la maison a un plan B et c’est bien que le défilé n’ait pas été annulé. Il ne faut pas que ce genre de situation nous empêche d’avancer », estime Blenda Clerjon, directrice pédagogique à l’Institut français de la mode (IFM). « C’est impossible de ressortir 50 pièces telles que c’était mais ce ne sera pas de qualité moindre. Balmain a suffisamment de ressources pour trouver comment remplacer des pièces et rester dans le haut de gamme », poursuit-elle. Serge Carreira souligne, pour sa part, que les modèles volés sont des prototypes, « l’aboutissement du processus » créatif et les patrons existants permettraient de refaire les vêtements. « La maison Balmain a des ateliers, ils ont des sous-traitants, un réseau d’artisans. En mobilisant le maximum de forces, il est possible de réaliser cela », estime-t-il. Interrogée par l’AFP, la maison s’est contentée de maintenir le défilé à la date prévue : le 27 septembre à 20H.
Le temps nécessaire pour développer une collection
Combien de temps faut-il pour développer une collection ? Entre trois mois, pour les grandes maisons avec des rythmes rapides et de nombreuses équipes, et six à sept mois pour les plus petites maisons, selon Serge Carreira. « C’est un processus créatif évolutif, presque au fil de l’eau. Cela peut aller très vite si un modèle correspond immédiatement à ce que le créateur recherche. Mais il n’est pas rare qu’on décide d’apporter des modifications », en rajoutant les manches, changeant le tissu, allongeant ou raccourcissant…, explique-t-il.
La perte d’une grande quantité de travail
À l’échelle d’une collection, que représentent 50 pièces ? « C’est énorme, ce sont des heures et des heures de travail », souligne Blenda Clerjon en ajoutant qu’un défilé de prêt-à-porter présente en moyenne 65 looks. « Cela dépend de la nature de la pièce : une robe est égale à un look. Avec des vestes, pantalons, chemises ou mailles, on est sur deux ou trois pièces qui vont faire un look », détaille Serge Carreira. Il est difficile à dire si les pièces volées représentaient « 20% ou 80% de la collection ». Mais le nombre est « consistant ».
L’intérêt des pièces volées
Quel intérêt présentent ces pièces pour les voleurs ? Pour Blenda Clerjon, « ce sont forcément des vêtements magnifiques, si on connaît les collections Balmain, il y a un savoir-faire sur les broderies, sur l’embellissement de la pièce ». Mais ce n’est pas considéré comme une pièce Balmain « si cela n’a pas été présenté pendant la Fashion Week. Cela n’a pas de valeur », affirme-t-elle. « Quand il s’agit de prototypes qui ont défilé et qui deviennent des pièces iconiques, elles ont une valeur extrêmement importante. Mais là, j’ai du mal à imaginer quelqu’un qui va chercher à faire énormément de promotion aux modèles volés », renchérit Serge Carreira. Si pour les bijoux volés, il y a la valeur de la pierre sur le marché noir, « la valorisation d’une broderie, c’est plus compliqué », ajoute-t-il. « Peut-être s’imaginaient-ils voler 50 paires de baskets facilement vendables sur les réseaux ? »
Un mode de transport courant pour la mode
Est-il normal que les pièces soient arrivées par avion ? « Cela ne me choque pas. Cela peut arriver de l’Europe comme cela peut arriver du sud de la France », souligne Blenda Clerjon. « Les pièces voyagent, elles bougent, on ne peut pas tout fabriquer à l’atelier à Paris. Parfois, pour gagner du temps, on le fait fabriquer en Europe ».